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Dossier juridique Westray – sommaire

4 mai 2022

Sommaire

Les modifications apportées en 2004 au Code criminel du Canada visant à faciliter l’imposition d’une responsabilité criminelle aux entreprises lorsque des blessures et accidents mortels se produisent dans les lieux de travail sont largement sous-utilisées. Jusqu’à ce jour, il y a eu seulement neuf poursuites fructueuses aux termes des modifications Westray. Les peines imposées dans le cadre de ces poursuites ont été dérisoires. Les blessures graves et accidents mortels continuent de se produire à un rythme alarmant dans les lieux de travail.

Les gouvernements peuvent prendre des mesures concrètes qui permettront de mieux appliquer les modifications Westray afin de tenir les entreprises responsables de leurs actes de négligence criminelle.

Le désastre à la mine Westray

En 1992, 26 mineurs à la mine Westray, dans le comté de Pictou en Nouvelle-Écosse, ont perdu la vie dans une explosion résultant d’une accumulation de méthane et de poussière de charbon. Les corps de seulement quinze mineurs ont été retrouvés.

Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a demandé une enquête publique sur les causes du désastre. Le juge K. Peter Richard a présidé l’enquête publique et entendu des témoignages pendant 76 jours. 

Le juge Richard a conclu que les explosions et la mort des travailleurs découlaient d’une combinaison de négligence et de mauvaise gestion de la part de l’entreprise, ainsi que du cafouillage et de l’indifférence du gouvernement. Voici ses principales constatations :

  • Le système de responsabilité interne de la mine en matière de santé et de sécurité a échoué.
  • Les cadres de la mine ont fait preuve d’un flagrant mépris à l’égard des règlements sur la santé et la sécurité.
  • Les cadres de la mine ont intimidé les mineurs et usé de coercition à leur égard par voie de menaces et de congédiements.
  • La direction de la mine a donné la priorité à la production aux dépens de la sécurité.
  • Les inspecteurs et les représentants gouvernementaux ne se sont pas acquittés de leurs responsabilités en matière de surveillance.

Le juge Richard a présenté plus de 70 recommandations visant à améliorer la santé et la sécurité des travailleurs, y compris une recommandation au gouvernement du Canada de modifier le Code criminel afin de veiller à ce que les entreprises et leurs cadres dirigeants soient tenus responsables de la sécurité dans le lieu de travail.

Les modifications Westray au Code criminel du Canada

Aucune personne ni entreprise n’a jamais fait l’objet de poursuites judiciaires menant à des accusations à la suite du décès des travailleurs de la mine Westray. À l’époque, aux termes du Code criminel, il était difficile de tenir les entreprises et leurs cadres dirigeants criminellement responsables des blessures graves et des accidents mortels dans le lieu de travail.

Pendant plus d’une décennie, les survivants des familles et le mouvement ouvrier, plus particulièrement le Syndicat des Métallos, ont exercé des pressions sur le gouvernement fédéral et les membres du Parlement pour que le Code criminel soit modifié de façon à ce qu’il soit plus facile de tenir les entreprises et leurs cadres dirigeants responsables des blessures graves et des accidents mortels dans le lieu de travail.

En 2004, le Parlement fédéral a adopté à l’unanimité les modifications Westray au Code criminel, modifications qui portaient principalement sur l’infraction de négligence criminelle. 

Les modifications Westray font en sorte qu’il soit plus facile de tenir les entreprises responsables de négligence criminelle en :

  • Créant une nouvelle obligation légale (art. 217.1) selon laquelle toutes les personnes à qui il incombe de diriger l’accomplissement d’un travail ou l’exécution d’une tâche ou qui sont habilitées à le faire doivent prendre les mesures voulues pour éviter qu’il n’en résulte des blessures corporelles pour autrui.
  • En créant des règles (art. 22.1) pour attribuer aux entreprises la responsabilité à l’égard des actions de leurs agents qui sont criminellement négligents.

En résumé, si une personne qui a le devoir de prendre toutes les mesures raisonnables pour éviter des blessures corporelles à un travailleur omet de le faire, et ce faisant agit avec une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie et de la sécurité du travailleur, cette personne est coupable de négligence criminelle (art. 217.1).

Si un ou plusieurs agents d’une entreprise commettent une infraction de négligence criminelle et qu’un cadre supérieur (ou des dirigeants) de l’entreprise s’écarte de façon marquée de la norme de diligence qu’il aurait été raisonnable d’adopter pour empêcher l’agent de commettre l’infraction de négligence criminelle, l’entreprise peut alors être reconnue coupable de négligence criminelle (art. 22.1).

Voici les peines liées à une condamnation pour une infraction de négligence criminelle susceptible de poursuite en justice aux termes des modifications Westray :

Personnes

  • Blessures découlant de négligence criminelle : 10 ans d’emprisonnement
  • Décès résultant de négligence criminelle : emprisonnement à perpétuité 
  • Amende sans limite et suramende compensatoire de 30%

Entreprises

  • Casier judiciaire
  • Probation
  • Amende sans limite et suramende compensatoire de 30%

Application des modifications Westray

De 2004 à 2013, les modifications Westray au Code criminel ont servi dans seulement 23 poursuites visant à porter des accusations de négligence criminelle dans des cas de blessures graves ou de décès de travailleurs. Sur ces 23 causes, 13 entreprises et 17 personnes ont fait l’objet d’accusations de négligence criminelle.

Depuis le début de 2022, seulement neuf poursuites ont abouti aux termes des modifications Westray : quatre au Québec, quatre en Ontario et une en Colombie-Britannique. Ces poursuites ont mené à la condamnation de sept entreprises et de deux personnes. Les peines ont été relativement légères.

  • R c. Transpavé – un employé d’un fabricant de produits de béton est mort écrasé; système de protection désactivé; aucun système d’inspection; formation en sécurité inadéquate.

Peine : amende de 110 000 $, plus suramende compensatoire de 10 000 $.

  • R c. Scrocca – un employé d’un entrepreneur paysagiste est mort écrasé par une pelle rétrocaveuse; omission de maintenir de multiples systèmes de freinage.

Peine : 2 ans moins un jour, à servir dans la collectivité, sous réserve de conditions, notamment d’heures de rentrée.

  • R c. Metron – Quatre employés ont perdu la vie et un autre a subi des blessures graves à la suite de l’effondrement d’un échafaudage volant défectueux; les employés n’utilisaient pas de cordages de sécurité.

Peine initiale au premier procès : amende de 200 000 $, plus une suramende compensatoire de 30 000 $.

Peine à l’appel : amende de 750 000 $, plus suramende compensatoire de 112 500 $.

  • R c. Kazenelson – Gestionnaire de projets personnellement inculpé des décès et des blessures des employés de Metron.

Peine : 3,5 ans d’emprisonnement pour chacun des cinq chefs d’accusation à purger simultanément : condamnation et peine confirmées en appel.

  • R c. Detour Gold Corp – Un employé de la société Gold Mining Inc. est mort d’intoxication aiguë au cyanure : aucun équipement de protection ni fournitures médicales, aucun personnel médical adéquatement formé.

Peine : amende de 1 400 000 $, suramende compensatoire de 420 000 $, plus dédommagement de 805 333 $.

  • R c. Stave Lake Quarries – Une employée est morte écrasée par le transporteur de roches qu’elle conduisait; aucune formation ou supervision adéquate, aucune cale de roue.

Peine : amende de 100 000 $, plus suramende compensatoire de 15 000 $.

  • R c. Century Mining Corp – Un employé de la société minière a perdu la vue et subi de graves blessures lorsqu’il a été écrasé par un camion.

Peine : amende 200 000 $; l’employeur a déclaré faillite; amende non recouvrable.

  • R c. CFG Construction – Un employé de l’entreprise de construction perd le contrôle de son camion; système de freinage défectueux dû au mauvais entretien du véhicule.

Peine : amende de 300 000 $, plus une ordonnance de probation de trois ans.

  • R c. Rainbow Concrete – Un employé d’une entreprise de construction conduisait un camion à benne lorsqu’une structure sur la propriété de l’entreprise est tombée sur le camion, écrasant l’employé.

Peine : amende de 1 000 $, plus suramende compensatoire de 200 000 $.

Dans cinq cas, les accusations ont été retirées; dans quatre cas, il y a eu plaidoyer de non-culpabilité par suite du procès; dans trois autres, il y a eu arrêt des procédures par la Couronne, y compris une accusation portée à la suite d’une poursuite privée que le Syndicat des Métallos a engagée; deux accusations contre deux personnes et une accusation contre une entreprise sont en suspens.

Des sommaires plus détaillés sur ces causes se trouvent à l’annexe «A» du présent rapport.

Les accidents mortels au travail se produisent toujours à un rythme alarmant au Canada

Au Canada, de 900 à 1 000 travailleurs perdent la vie au travail chaque année. 

  • 1993 à 2019 : 24 519 décès au travail (moyenne de 943 décès de travailleurs chaque année)

* Source : Association des commissions des accidents du travail du Canada

Selon les données de l’Association des commissions des accidents du travail du Canada, 925 travailleuses et travailleurs ont perdu la vie de causes liées au travail en 2019 et 1 027 en 2018. Les données pour 2020 seront publiées plus tard en 2022.

Pour des renseignements supplémentaires concernant les statistiques sur les accidents mortels dans les lieux de travail au Canada et les comparaisons à l’échelle des provinces et territoires, veuillez consulter le document intitulé 2021 Report on Work Fatality and Injury Rates in Canada que Sean Tucker et Anya Keefe de l’Université de Regina ont préparé.

Raisons pour lesquelles les modifications Westray ne sont pas utilisées davantage

Principales raisons de la sous-utilisation des modifications Westray :

  • Les corps policiers, les procureurs de la Couronne et les organismes provinciaux de réglementation de la santé et de la sécurité n’ont pas véritablement pris conscience des conséquences et de la portée criminelle des blessures graves et décès au travail. On croit de manière générale que les blessures graves et les décès au travail sont des questions qui nécessitent une réaction de la part des organismes de réglementation provinciaux et non une sanction pénale. L’évolution de la pensée concernant le besoin d’entamer des poursuites contre les délits de conduite avec facultés affaiblies et la violence familiale démontre un important parallèle.
  • Les corps policiers et les procureurs de la Couronne manquent de connaissances, d’éducation, de formation et de ressources dans l’utilisation des modifications Westray.
  • Il existe un manque de coopération et de coordination entre les organismes de réglementation de la santé et de la sécurité, les corps policiers et les procureurs de la Couronne en matière d’enquêtes sur les blessures graves et les décès au travail.
  • Les gouvernements et les employeurs continuent de promouvoir un programme de déréglementation qui affaiblit le désir et les moyens de tenir les entreprises responsables de leurs actes de négligence criminelle entraînant des blessures graves et des décès au travail.

Quelles mesures doit‑on prendre pour garantir une meilleure application des modifications Westray?

  • Les organismes de réglementation de la santé et de la sécurité, les corps policiers et les procureurs de la Couronne ont besoin d’information et de formation en ce qui a trait aux modifications Westray et à leur application.
  • Les procureurs généraux doivent restreindre le pouvoir discrétionnaire des procureurs de la Couronne de ne pas entamer de poursuites pour négligence criminelle dans le cas de blessures graves et de décès au travail. 
  • Il faut des procureurs de la Couronne désignés pour entamer des poursuites pénales dans les cas de blessures graves et de décès au travail.
  • Les corps policiers devraient être tenus de mener des enquêtes dans tous les cas de blessures graves et de décès au travail.
  • Les corps policiers ont besoin d’information et de formation pour mener des enquêtes sur les accidents au travail.
  • Il faut enjoindre les organismes de réglementation de la santé et de la sécurité de faire appel aux corps policiers lorsque des accusations peuvent s’imposer aux termes des modifications Westray.
  • Il faut établir un protocole écrit pour coordonner les efforts des organismes de réglementation de la santé et de la sécurité, des corps policiers et des procureurs de la Couronne dans le traitement des cas de blessures graves et de décès au travail.
  • Des équipes désignées et coordonnées comprenant des représentants des organismes de réglementation de la santé et de la sécurité, des corps policiers et des procureurs de la Couronne devraient travailler à l’application des modifications Westray.
  • Il faut fournir des ressources financières accrues aux corps policiers et aux procureurs de la Couronne afin d’aider à garantir une application adéquate des modifications Westray.
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